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21 juin 2013 5 21 /06 /juin /2013 13:22

Ce texte peut venir en lien avec mes photos de céramiques :

Graines de femmes

Je suis partie de la graine, du noyau. Du tout et du tout petit. De l’infini au microcosme tout est affaire d’échelle. Je ne fais rien d’autre que semer, planter et parfois récolter. Mon atelier est comme mon jardin, un chantier perpétuel... 

J’ai commencé le volume il y a peu. C’était pendant une résidence à la Source. Les soirées étaient longues et je m’amusait à pétrir la terre des enfants. La terre venait entre mes poings, mes ongles, mes dents. Je ne savais pas que je commençais a y prendre goût. Elle poussait comme une plante que je ligaturais ou greffais. Elle se sexualisait aussi, mâle et femelle. 

 

En même temps, j’ai commencé à réaliser des pièces à la cire perdue. J’ai adoré ce travail car il me reliait à l’Afrique. Je le pratique chaque été avec un artiste du Burkina Faso : Salfo Derme que j’accueille à présent chez moi. Le moment où la cire devient bronze avec la facilité apparente de cette technique est une expérience toujours magique. 

j’ai modelé des graines de toutes sortes et imaginé des croisements, des hybridations : graines-à-pince de crabe, graine-à-nageoire, graine-à-bouche et anus... 

 

Ces formes prenaient des libertés. Il fallait les classer, les étiqueter, les stocker dans une pièce que j’ai appelé : «cabinet d’ignorance» :

Une mise en quarantaine en attendant de les nommer. 

Mon cabinet d’ignorance est le pendant du « cabinet de curiosité ». 

Il est en constante mutation. Pierres de rêve, plantes, organes se cotoyent, se multiplient, s’organisent... et exaltent l’étrange et le merveilleux. 

 

J’ai continué sans trop savoir où cela m’emporterait. 

J’ai laissé mes mains malaxer la matière sans penser, sans vouloir. Le corps est venu dans cette matrice. : graines à trois paires de jambes, graine assise, corps de vénus.... 

Et puis les têtes, les têtes de poupées, têtes endormies, inexpressives et passives.

Têtes et corps en morceaux mal raccordés. 

Le corps sans affect et sans émotion, le contraire de mon corps à vif. Le corps enveloppe, le corps à corps. 

Chaque nouvelle forme en induit une autre et je me demande parfois si je n’aime pas plus les formes difformes, celles qui  sont cassées. Celles que je restaure et qui retombent encore, les formes cabossées, qui gardent les traces des chocs et des traumatismes. 

Les formes qui se montrent en arrogance; en orgueil de leurs mal-formations. 

J’adore ces graines mauvaises. Elles ne valent rien que le travail accompli pour les faire surgir de la matière ingrate. 

Je peste, je les aime comme on préfère le plus petit chat de la portée celui que l’on doit nourrir au biberon et qui nous fait mille soucis pour survivre.

Je sais que ce qui m’importe sortira de mes mains sans que je puisse le retenir,  sans que je puisse prévoir ou je vais ni à quel rythme. 

Mes mains veulent partager et donner. Elles brouillonnent. Elles s’affirment. Elles sont ma voix unique. Toutes ces formes sont des graines de femmes, elles sont indéfinies dans leur féminité naissante. Leur vie ressemble à la mienne, un chemin qui serpente et s’étire. Elles se cherchent . Elles veulent et désirent.. 

Elles sont potentialitées : graines et germinations. 

Claire Alary, Savennières le 8 avril 2013

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commentaires

S
Bonjour<br /> Mon association « J’attends donc je lis » propose de publier des textes courts 5 fois par an. (Gratuitement, bien sûr !)<br /> Vous pouvez tenter votre chance avec vos propres textes à cette adresse:<br /> <br /> http://jattendsdoncjelis.unblog.fr/<br /> <br /> Cordialement<br /> Sabine, la présidente
Répondre
C
<br /> <br /> merci mais je n'avais même pas compris votre commentaire... pas lu. je viens juste de le faire... alors pourquoi pas une publication...<br /> <br /> <br /> cordialement claire alary<br /> <br /> <br /> <br />