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9 janvier 2011 7 09 /01 /janvier /2011 21:13

J'ai participée a un colloque : Une société est elle pensable sans la folie

Samedi 8 janvier, salle Vasse à Nantes.

Une journée de réflexion autour de la notion de folie

Je vous donne en pature la teneur de mon intervention-témoignage

 
A CôTE DE LA NORME

Essai d’autobiographie

Naissance à Paris en 1958.
Père receveur des postes, mère sans profession.
Trois soeurs, je suis la troisième.
Enfant sensible et introvertie
Scolarité médiocre.
Refuse l’école,
Suit des cours à l’école des beaux arts de Poitiers,
Sur l’insistance de sa mère, passe un bac B.
Entre à l’école des Beaux-arts d’Angers en 1978 et obtient son diplôme en 1984.
Poursuit ses études à Paris I.
Licence et Maîtrise d’arts plastiques
Réussit un DEA à Rennes  II. "Le modèle : miroir du peintre"
mention très bien.
Enseigne deux années en collège.
Commence à exposer sa peinture en 1998
Participe à plusieurs résidences à l’étranger :  Lituanie,  Allemagne..
Réalise sa première commande en 2003 pour le château de Saumur.
Découvre le bogolan au Mali en 2004.
Commence la céramique pendant une résidence à "la Source". Lieu de résidence parrainé par Gérard Garouste.
Débute également des installations en plein air et des bronzes à la cire perdue.
 
J’allais oublier :  a une fille de 14 ans

Voilà le résumé d'une vie et ma biographie escamotée.

Cette vie parait lisse, totalement dépourvue de points d’accroches . A la lire on a l’impression que cette femme se débrouille plutôt bien dans le système scolaire et même dans la vie.
On pourrait parler d’un rattrapage réussi. Ce serait oublier facilement toutes les souffrances et les échecs qui se cachent derrière les mots.
J’ai déjà écrit un texte qui raconte ma première rencontre avec le milieu dit «psy» lorsque j’avais 11 ans. Je ne veux pas revenir là-dessus mais je considère que cette première expérience a été décisive pour ma vocation de peintre.
 -La vocation dans mon cas est plutôt vocation par défaut (mon père pour ne citer que lui disait sans ironie que c’était la seule chose que je pouvais faire...)-
Le bac B lui aussi a été un non-choix. Je suis arrivée au moment de l’ouverture de la section. On m’avait refusé l'entrée dans une section arts plastiques -il fallait changer de lycée et mon dossier était tellement mauvais que je n’ai pas été retenue-. Je ne regrette pas ce choix qui m’a obligé, contre ma nature, à me préoccuper des réalités sociales et économiques.
Le diplôme des Beaux-arts a lui aussi son histoire. J’ai dû le repasser deux fois parce que le choix des travaux que je montrais était trop hétéroclite -il est vrai que je tentais assez maladroitement de faire un travail de synthèse entre mon travail d’écriture et mon travail de peinture (grand textes imprimés comme des manifestes, labyrinthes de mots etc...)-
La maîtrise a été également une gageure car j’avais choisi un thème très ambitieux -peinture et simulacres érotiques-
Au final j’ai écrit un petit roman personnel et un recueil de poèmes. J’avais plus ou moins évacué tout le travail universitaire...
Je suppose que l’on m’a donné ma maitrise pour la qualité de l’écriture... un comble !
Seul mon DEA a été une réussite, -premièrement parce que le thème me passionnait et me passionne toujours, -ensuite parce que la relation que j’essayais de mettre en place entre le patient et l’analyste, la relation peintre-modèle, me semble encore aujourd’hui très pertinente. Et si l’on me demande encore de parler de ce travail, je le fait avec beaucoup de plaisir.
J’ai abandonné les études universitaires parce que je me suis rendu compte que cela n’avait pas de  finalité, que c’était une réelle fuite devant la vie. Ma seule porte de sortie était l’enseignement dans le cadre de  l’université -

Moi, je voulais avant tout et depuis le début, peindre. Il y a quelque chose d’un peu absurde dans cette quête et je me rends bien compte que cette continuelle frustration avait un caractère un peu maladif. Je m’en suis rendu compte avec encore plus d’intensité à ce moment là. Mais il a tout de même fallu l’intervention d'Henriette Smirger, psychanalyste de la cause freudienne, pour me mettre en face de mon désir refoulé, en m’indiquant que la formation qu’il me faudrait pour ma thèse compterait un minimum de sept années d’analyse et autant d’études de textes.Elle m'a fait choisir la peinture, ou plutôt j’ai fui et choisi en même temps, la peinture me semblant à tout prendre plus facile, ce en quoi je me trompais...

C’est justement à ce moment là que j’ai redécouvert la gravure, non pas au sein d’une école, d’une manière scolaire et un peu froide, mais chez Monique Josse qui est devenue une amie et qui m’a prêté son atelier pendant presque un an.
-Maintenant encore j’ai besoin d’alterner entre la gravure et la peinture.
La gravure m’a appris beaucoup de choses, une certaine forme de rigueur,
-Le coté différé du travail augmente la surprise du résultat. Tous les gestes ne sont pas créatifs comme en peinture et l’on passe beaucoup de temps à préparer son travail, mais s’est aussi un plaisir que de savoir attendre et de s’organiser.
 
Dernièrement j’ai découvert une autre technique « le bogolan» que j’ai pratiqué au Mali et qui est, me semble-t-il, à la frontière entre la peinture, la teinture et la gravure.
J'ai découvert également récemment la terre cuite et la technique du bronze à la cire perdue.

Bien évidement ce trajet a plus à voir avec la norme qu'avec la folie. J'ai  l'impression d'être juste à la marge. Dans un seuil de tolérance. Le sentiment d'être marginale.
Dans ma famille d'abord. J'étais celle que l'on excuse. On ne me jugeait pas avec les mêmes critères que mes soeurs. Je pourrais vous raconter pleins d'anecdotes en ce sens. Le jour où ma mère m'a retrouvé de l'autre coté du balcon par exemple et puis le verre de lait : j'ai renversé mon verre de lait pendant des semaines. L'apprentissage de la lecture .... Mon année chez un orthophoniste ... Mes études plus que difficiles.. J'ai eu de la chance.
Je ne sais pas si l'école serait aussi tolérante aujourd'hui devant une enfant qui frise l'insolence et ne travaille pas du tout. Mes études aux Beaux arts, m'ont donné l'illusion d'avoir trouvé une famille. Après la mort de mon père, j'ai eu des liens assez étroits avec le directeur des beaux-arts de l'époque, et ce Jusqu'a sa mort.
Je n'ai pas travaillé beaucoup plus aux beaux arts mais j'avais des facilités. Ma plus grande déception a été de ne pas trouver un mentor, une personne pour qui j'aurai eu de l'admiration et de la tendresse. Même par la suite, à la fac, je n'ai jamais trouvé un seul professeur vraiment passionnant. Je ne parle pas bien sùr de théorie. Là, il y avait tout ce qu'on voulait, mais pour la pratique, c'était terrible. Je me souviendrai toujours d'un prof qui a refusé de me donner des conseils en modelage parce qu'il estimait que c'était dépassé de vouloir travailler d'après modèle. Peut-être aussi étais-je incapable de me plier à une quelconque autorité. J'ai toujours eu du mal avec l'autorité. Ma peinture du corps humain dans une période où peindre était casi tabou ne m'a pas simplifie la tache..
J'ai tenu bon comme on peut le dire d'une direction que l'on garde, coûte que coûte, un rêve que l'on poursuit.
J'ai fait le choix de ne vivre que de ma peinture -maintenant je donne des cours et je fais des stages-. Et j'ai aussi fait le choix de faire une psychothérapie après la naissance de ma fille, pour clarifier mes rapports avec ma famille et ne pas transmettre ce que j'appelle une valise trop lourde....

Dans le milieu de l'art il y a une tolérance plus grande pour ce "hors norme". On trouve même parfois des artistes qui le cultivent. Aujourd'hui j'ai conscience d'être à nouveau à coté de ce que l'on attend de moi.

Je ne m'en plains pas. C'est un choix, celui de vouloir rester dans la recherche. Souvent les gens ne comprennent pas pourquoi je change de style, de médiums, de technique. Ils pensent comme les critiques qu'il faut tracer un sillon, avoir un style.
Dans la mesure où ma peinture suit ma biographie -il est à la mode de parler d'autofiction- Dans mon cas ce n'est pas de la fiction. Je m'appuie réellement sur les éléments de ma vie, même si au bout du compte, je ne cherche pas  à raconter mon histoire. Disons que je me crée un vocabulaire, un vocabulaire de signes et de symboles qui sont autant de possibilités de dire, de communiquer. C'est une histoire décantée, transversale. Je ne garde que quelques scories, des cailloux qui jalonnent mon histoire. Ma petite musique unique.


 

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